"Après la guerre" est présent sur la page des 24 heures et vous pourrez la lire en cliquant ce lien telle qu'elle a été écrite dans les conditions du direct. Avec le recul, j'ai repris ma nouvelle et j'ai apporté quelques corrections et ajouté quelques petits éléments qui manquaient pour la cohérence du récit. Ce n'est pas une réécriture, disons un premier jet un peu plus potable que le précédent. Bonne lecture !
Les 24 Heures de la Nouvelle
Après la guerre
« Ici vous quittez la République du Montana et vous
entrez sur la Route 93 » prévenaient les affichages holographiques au-dessus
d’un long portail électrifié.
― Toujours aussi déterminé, professeur ?
― Ça ira, Williams.
― Alors, installez-vous bien, on ne va pas tarder à
partir.
Le signal du contrôle frontalier reçu, Samuel Williams
appuya sur la pédale d’accélérateur et son camion de dix tonnes s’ébroua.
Samuel Williams était un ancien militaire de l’US Navy
qui avait pris ses quartiers à Hamilton dans le Montana après la chute. Il
vivait principalement comme homme de main. De temps à autre, il conduisait des
passagers fortunés à travers les ex-États-Unis.
A ses côtés, un petit homme à lunettes serrait contre lui
une mallette de cuir. Il s’appelait Eric Marchand et il lui avait raconté
être un biologiste français parti du Canada dans l’espoir de gagner la
Californie. Les motivations du scientifique lui importaient peu. Il l’avait payé
une petite fortune pour l’amener à bon port et c’était ce qu’il comptait faire.
Le voyage serait long et risqué en territoire hostile. C’était le type de
mission qu’il s’était juré de ne plus faire. L’argent était cependant sa seule
motivation et avec son magot en poche, il pensait enfin se retirer des
affaires.
Le camion de Williams s’engagea seul sur la Route 93. Le
portail électrifié se referma derrière lui. L’asphalte s’étendait à perte de
vue. Les véhicules étaient rares depuis la pénurie de carburant qui avait
touché le pays en 2060. Williams remercia le Montana et son exploitation
intensive du pétrole de schiste de lui avoir fourni assez de carburant pour un
voyage d’une semaine. La plupart des véhicules roulaient avec des carburants
fabriqués à base d’éthanol, le plus souvent artisanalement. Les véhicules
électriques étaient encore plus rares en raison du refus politique américain
d’avant la chute d’investir dans le développement de cette technologie. Il
s’agissait à l’époque de protéger le lobby des derniers pétroliers américains.
La rencontre avec une voiture ou un autre camion était
toujours un moment tendu où, de chaque côté, les hommes se cramponnaient à leur
crosse de fusil en s’épiant. Jusqu’à présent Williams et Marchand n’avaient
croisé que de pauvres hères dans des véhicules vétustes et poussiéreux.
Williams était obligé de s’arrêter à intervalles réguliers pour refaire le
plein à l’aide des bidons stockés à l’arrière de son camion. Il stoppait alors
dans l’endroit le plus désert et le plus discret possible afin de ne pas
attiser les convoitises avant de repartir aussitôt. La nuit était toujours un
moment particulier. Ils dormaient dans la remorque sur des lits de camp,
l’alarme anti-intrusion branchée. Plus d’une fois, ils furent tirés de leur sommeil
par l’alarme qui s’était déclenchée à cause d’un coup de vent ou d’un rongeur
qui s’était attaqué au caoutchouc des pneus.
Au troisième jour, ils s'apprêtaient à quitter l'Idaho.
La route était par endroit très accidentée. Ce n’était pas toujours de simples
nids de poules. A la façon dont l’asphalte était fracassé, Williams reconnut
des impacts de roquettes. Il y avait eu des combats ici, et au bruit sourd qui
résonna soudain au loin, il comprit qu'ils n’avaient pas cessé.
Williams arrêta son camion tandis que d’autres explosions
retentissaient. Il scruta l’horizon avec une paire de jumelles numériques afin
de localiser l’endroit des combats. Grâce aux filtres optiques, il parvint à
distinguer l’écho radar d’une explosion de l’autre côté d’un bois touffu, à
cinq cents mètres à l’ouest de leur position.
― Il vaut mieux ne pas trainer ici ! déclara l’ancien
militaire en démarrant.
― Allez-y, foncez !
Le camion prit de la vitesse pour s’éloigner le plus vite
possible des bruits de guerre. La suite de la traversée se déroula comme un
film où les acteurs étaient indifférents à tout ce qui les entourait. L’Idaho,
avec ses paysages faits de hauts sommets enneigés, de cascades, de vastes lacs
et de profonds canyons, n’était qu’une escale dans le long voyage avec le Borah
Peak en toile de fond. Sur les chemins étroits qui serpentaient, les canyons,
la région paraissait rendue à la vie sauvage et plus d’une fois leur route fut
coupée par des antilopes ou des cerfs qui les regardaient avec de grands yeux
effrayés.
Le camion traversa la forêt qui recouvrait près de la
moitié de l’Etat ; une route souvent difficile au milieu des pins et des
épicéas qui finit par les mener à la lisière du Nevada. Là, le paysage et le
climat changèrent radicalement.
Le désert et la sécheresse régnaient dans ce nouveau pays
immense. L’Etat s’étendait sur la majeure partie du Grand Bassin constitué de
hauts plateaux secs. Les villes étaient peu nombreuses et plus espacées en
raison du relief. Elles venaient se loger au creux des vallées encaissées.
Autrefois très peuplées, ces villes étaient désertées. N’y vivaient encore que
des femmes et des vieillards qui n’inquiétaient personne et qui étaient
satisfaits d’être oubliés de tous.
On aurait tort de penser que la région était sûre pour
autant. Williams savait tout le danger qu’il y avait à suivre la route 93,
celle-ci parcourait le désert et menait droit vers Las Vegas où il devait
prendre une nouvelle route pour gagner la Californie. S’écarter de la 93
revenait à rallonger son voyage de plusieurs jours. Passer par Las Vegas était
donc inévitable et il s’y était préparé. Williams prévint son compagnon de
route de rester en éveil alors qu’ils pénétraient dans l’immense étendue
désolée des Mojaves.
Le désert était dans sa majeure partie recouvert de
plaines rocailleuses, parfois interrompues par des massifs montagneux. Le vent
y soufflait fort et régulièrement, et le camion rencontrait parfois sur son
passage des séries d’éoliennes installées une centaine d’années plus tôt.
Certaines étaient à terre, érodées par le temps, l’hélice tournant à vide,
d’autres fonctionnaient toujours et alimentaient en électricité des bourgades
qui vivaient en autarcie.
Deux heures s’écoulèrent sur l’asphalte brûlé quand le
camion fut en approche de Las Vegas. Ils furent bientôt survolés par un drone.
L’engin ovoïde se plaça en position stationnaire à trois cent mètres du sol et
scanna le camion. Williams ne tenta pas de s'y opposer, de peur que cela soit
mal interprété.
― Las Vegas est ceinturée par un rempart, expliqua
Williams et on est obligé de passer les contrôles pour avoir le droit d’aller
sur le Strip.
― Le Strip ? De quoi parlez-vous ?
― C’est le surnom de Las Vegas Boulevard, un long
boulevard qui s’étend du centre-ville vers le sud en direction de Los Angeles.
C’est là que se situent les hôtels-casinos les plus grands, les plus récents,
les plus excentriques aussi. Mais nous n’aurons pas vraiment l’occasion de
faire du tourisme, le Strip est gardé par la mafia locale. La mafia contrôle
tout ici.
― Un contrôle de plus sur notre longue route.
― Sauf qu’eux ne se contenteront pas de voir nos papiers,
ils prélèvent surtout un droit de passage.
― Je vous ai suffisamment payé pour parer ce genre de
problèmes.
― Oui, mais on ne peut se fier à rien dans ce genre de transaction.
Le camion de Williams s’engagea dans une longue file où
attendaient depuis des heures des véhicules plus ou moins neufs. Ils étaient
nombreux à vouloir émigrer dans la ville qui narguait l’aridité du désert avec
ses hauts gratte-ciels et des hôtels-casinos lumineux. Las Vegas avait survécu
à la chute des Etats-Unis et respirait la prospérité, de quoi donner des envies
aux plus fortunés. Dans l’enceinte de la cité, les membres de la pègre y
menaient grande vie.
― Vous voyez, nous sommes passés, s’écria Marchand avec
soulagement deux heures plus tard.
― Oui, mais ils ont pris plus cher que l’autre fois !
grogna Williams qui avait perdu le dernier cash qu’il avait encore en sa
possession.
Le camion s’engagea alors sur l’interstate 15 qui reliait
Las Vegas à Los Angeles. Samuel Williams souffla après la tension des derniers
jours, il n’était plus qu’à quatre heures de route de sa destination au cœur du
désert des Mojaves. Mais ce n’était pas le moment de laisser retomber sa
vigilance. La sortie du Strip était toujours encombrée de véhicules et des
bandes de pillards tournaient dans la zone pour mettre à sac les voyageurs.
Cette fois-ci ne devait pas faire exception, car à peine engagé sur l’I-15,
Williams aperçut dans son rétro-viseur un groupe d’une dizaine de motards
hirsutes qui fonçaient pleins gaz vers eux en brandissant des fusils.
― Professeur, accrochez-vous ! prévint Williams en
écrasant la pédale d’accélération.
― Qu’est-ce qui se passe ? s’inquiéta Marchand.
― Regardez dans le rétro ! Vous savez manier une arme ?
― Vous vous moquez de moi ? s’excita Marchand. Je suis
peut-être un scientifique, mais par les temps qui courent, on ne peut pas faire
l’économie de savoir tirer…
― Alors, faites-vous plaisir ! lança Williams en sortant
une vieille mitraillette qui était cachée derrière son siège.
― Une arme de la milice séparatiste ? Comment vous avez
eu ça ?
― Ce n’est pas le moment de poser des questions,
professeur ! Cria Williams en lui tendant la mitraillette. Je ne peux pas tirer
et tenir le volant en même temps. Sortez-nous de ce guêpier !
Marchand se pencha par la vitre et glissa la pointe de sa
mitraillette. Il aperçut les premiers motards qui avaient suivi le train du
véhicule. C’était des jeunes dont le corps était à moitié recouvert de tatouages
tribaux. Quelques-uns s’étaient même faits greffer des membres cybernétiques.
Marchand n’avait pas menti lorsqu’il avait prétendu
savoir manier une arme. En plusieurs rafales, il fit le vide devant lui. Visant
les carburateurs aux couleurs flashy, il transforma les premiers motards en
torches enflammées. Les autres comprirent vite qu’il fallait éviter le tireur
et avec force zigzags, ils parvinrent à se mettre hors de portée de ses
rafales. Le scientifique ne désarma pas pour autant et changea d’angle, il
envoya encore deux nouveaux motards dans le décor avant d’être à cours de
munitions.
Le camion était pourtant toujours trop lent par rapport
aux motos. Elles arrivèrent bientôt à la hauteur de la vitre de Williams. Avec
leur fusil rafistolé, les punks tirèrent pour l’abattre. Sa vitre vola en
éclats, l'écorchant au passage. La balle le rata mais termina sa course dans le
flanc gauche de Marchand.
Williams saisit un vieux Beretta dissimulé dans la boite
à gants et fit feu. Sa balle se logea dans le crâne du motard aux cheveux
multicolores. Sa moto fonça droit devant, percutant dans sa lancée une autre.
Le gang abandonna alors sa proie dans une odeur écœurante d’essence trafiquée.
― Les gens sont devenus fous, ici ! rugit Marchand, le
front baigné de sueur.
La main ensanglantée, il s’appliqua un kit médical qu’il
cachait dans sa mallette. L’effet fut instantané, mais cela ne fit que calmer
la douleur. Tant que la balle n’était pas retirée, il continuerait à souffrir.
― Il était temps de s’en rendre compte, professeur,
bondit Williams. Ce pays a tout perdu. Les hommes sont des hyènes avides de
sang. Se battre pour survivre c’est la seule chose qu’il leur reste.
― J’avais vu des reportages sur la média-sphère, mais
c’est pire que je ne le pensais !
― Les infos ne disent que ce qu’elles veulent bien vous
dire. Je suis sûr qu’elles n’ont jamais parlé de Kallagan.
― De qui ?
― C’est bien ce que je croyais ! s’exaspéra Williams. Eh
bien apprenez, qu’un vétéran de l’armée américaine, un certain Major Kallagan
qui sort d’on se sait où, vient de se lancer dans une croisade. Il croit dur
comme fer qu’il peut unir le continent.
― C’est une bonne nouvelle, non ?
― Je ne sais pas, c’est trop tôt pour le dire. Le gars
parait animé d’un bon sentiment et en plus il aurait les moyens de ses
ambitions. Mais je sens quelque chose de pas net derrière, je n’arrive pas
encore à définir ce que c’est. Et si c’était pour imposer une énième dictature
?
― C’est le risque, c’est vrai.
Un silence pesant suivit ces dernières paroles et une
heure s’écoula sans incident. Le camion quitta l’interstate 15 et se dirigea
vers le désert. Il n’y avait plus d’asphalte là où ils se trouvaient, mais le
camion roula toujours bien, guidé par la main experte de son conducteur. Au
détour d’une longue chaîne de montagnes érodées aux parois orangées, Williams
stoppa son camion.
― Nous sommes aux coordonnées que vous m’avez indiquées,
annonça l’ancien militaire, incrédule.
Williams fulmina. Des jours de traversée pour se
retrouver perdu milieu du désert de Mojaves.
― Le signal vient d’ici, je suis affirmatif.
Marchand était très pâle en prononçant ces mots. Il ne se
plaignait pas, mais Williams pouvait lire la souffrance sur son visage. Sa
blessure était plus grave qu’il ne l’avait supposé.
― On ne va pas pouvoir rester ici éternellement, vous
savez.
― Rebrousser chemin ? s’effraya le scientifique.
― Vous m’avez payé pour que je vous conduise ici, nous y
sommes. Si vous y tenez tant, je vous y laisse. A votre place, j’irais dans la
ville la plus proche pour rechercher un médecin, vous êtes blanc comme un
linge.
― Non, il faut rester. Je vais faire une nouvelle analyse
du signal.
Fiévreux, Marchand exécuta une suite d’opération sur le
cadran de sa montre-bracelet. Comme en réponse, le sol se mit à vibrer. Le glissement
de terrain s’intensifia. Williams s’interrogea et ne comprit pas. Seul Marchand
resta imperturbable, paraissant attendre quelque chose. Mais attendre quoi ?
Brusquement, le sol s’enfonça sous le dix tonnes et
doucement, il pénétra dans les entrailles de la terre rougeoyante. Bientôt, les
vibrations cessèrent. Le camion se retrouva dans un hangar souterrain.
― Venez ! l’appela Marchand en descendant du véhicule.
― Si je m’attendais à ça !
Une semaine s’était écoulée depuis leur départ. L’un
comme l’autre étaient épuisés. Williams aurait aimé dormir ou se reposer un
peu, mais il se doutait bien que ce luxe ne lui serait pas offert avant un bon
moment. Aussi regardant autour de lui, il s’intrigua de l’absence de comité
d’accueil. Son compagnon resta silencieux. Il le suivit à travers un long
dédale de couloirs. A sa grande surprise, tout était vide. Il n’y avait pas âme
qui vive, pas même de robots ouvriers ; quant à l’ameublement des salles qu’il
parcourut, il était plus que sommaire. Tout ressemblait à un vaste entrepôt
laissé à l’abandon.
― C’est pas très fréquenté par ici, lança Williams avec
mépris.
― Ce n’est pas normal ! Ils devraient être là.
Les deux hommes parvinrent à un ascenseur. Ils en
sortirent quelques étages plus hauts, et le paysage devint très différent. Par
de grandes baies vitrées, Williams contempla une cité composée de baraquements
au milieu d’une grande vallée. Des vieux véhicules militaires étaient garés ça
et là et, à bien y regarder il fut surpris de la vétusté générale de tous ces
équipements.
Tout à coup, un éclair lui traversa l’esprit. Il venait
de reconnaître cet endroit. En effet, il se souvint l’avoir vu de nombreuses
fois en photos : Edwards Air Force Base. Il l'avait cru anéanti lors de la
guerre civile américaine.
― Vous aviez raison, professeur, il y avait bien quelque
chose ici, mais je crois que nous arrivons trop tard.
― Je ne comprends pas, il y avait ici au moins une
centaine d’hommes et je pensais même y voir les derniers membres vivants du
Sénat.
― Qu’est-ce qui vous faisait croire ça ?
― Le signal émis par cet ordinateur ! affirma Marchand en
fixant un panneau de contrôle dont les voyants clignotaient.
― Quand l’avez-vous capté ?
― Il y a à peu près trois semaines.
― Je pense que cette base est abandonnée depuis bien plus
longtemps, à vue de nez au moins un an ou deux. Peut-être même il y a cinq ans,
lorsque la guerre de Sécession a éclaté.
― Ce signal n’émet pas depuis des années.
Marchand se pencha vers le panneau de contrôle en fonçant
des sourcils. Williams l’observa un moment en train d’analyser les données,
puis s’éloigna. Pendant que le scientifique tentait de faire parler les
ordinateurs, il partit explorer les lieux en quête de matériel de récupération
et d’essence à siphonner.
Lorsqu’il revint moins d’une heure plus tard, les bras
chargés de bidons remplis pour son camion, il retrouva le professeur
inconscient sur le sol.
― Marchand !
Williams le gifla à trois reprises avant que l’homme
reprenne connaissance.
― Je ne vais pas tenir le coup, haleta Marchand, mais
vous vous pouvez finir la mission.
― De quoi parlez-vous ? Il est peut-être encore temps
d’aller chercher un médecin.
― Le dernier bled qu’on a traversé est trop loin d’ici et
je n’ai plus de médikit pour me stabiliser. Ça s’arrête là pour moi. J’ai consulté
l’ordinateur et vous aviez raison, la base a été évacuée, il y a presque cinq
ans. Heureusement, ils ont laissé le moyen de les rejoindre. J’ai chargé ma
montre-bracelet des données, son ordinateur intégré va vous y conduire. Et vous
leur donnerez ça.
― Que contient cette valise ?
― Un espoir de faire cesser le chaos, enfin je l’espère
― Et plus précisément ?
― L’ADN de notre présidente.
― Amanda King ? Vous vouliez la cloner ?
— Pas moi, mais les scientifiques qui se trouvent dans la
nouvelle base gouvernementale. Ils croient que notre nation a besoin d’un
symbole pour les fédérer. King est morte lors de l’attentat des séparatistes
sur la maison blanche. Mais sa légende est toujours vivante.
― Je crains de ne pas avoir signé pour ça.
― Je vous en supplie !
L’ancien militaire se questionna. Il était tenté de tout
laisser là et de revenir à sa vie d'avant, mais sa conscience lui dictait
l'inverse. Interdit, il saisit la mallette et la montre-bracelet. Il fut alors
chassé par Marchand qui voulait mourir seul.
Williams suivit
les indications de la montre-bracelet. Il emprunta un ascenseur qui l’emmena
dans les profondeurs du sol. Il déboucha sur d’étroits couloirs creusés à même
la roche, des couloirs mal éclairés par quelques torches électriques. Il se
retrouva bientôt dans un autre hangar.
Le voile se déchira lorsqu’un fantastique aéronef
reposant sur un large plan incliné à quarante-cinq degrés apparut aux yeux
émerveillés de Williams. L’avion avait une couleur sombre et il avait la forme
d’une large aile delta. Il possédait en réalité une large voilure en double
delta, aux extrémités arrondis. Le cockpit s’ouvrit automatiquement à son
approche.
Williams s’équipa d’une combinaison anti-g placée sur une
porte-manteau et s’assit sur un siège possédant une forte inclinaison.
Impressionné par une telle débauche de technologie, il admira le tableau de
bord avec des écrans à cristaux liquides où l’information se répartissait sous
forme d’images. Il ferma les yeux alors que la procédure de décollage s'initialisa.
Une fois l’avion Delta en place dans la zone de
lancement, un dôme immense s’ouvrit. S’ensuivit un long préchauffage avant que
les turbines ne se mettent en action. Une fumée âcre et épaisse se répandit sur
le sol. Soudain l’appareil s’ébranla et prit son envol.
Un poids inimaginable écrasa à cet instant Williams.
Malgré sa combinaison anti-g, il ressentit la pression et ne put s’empêcher de
contracter tous ses muscles. L’effort était douloureux et il comprit vite qu’il
devait se laisser aller.
La voix de l’Intelligence artificielle qui gérait
l’environnement retentit :
― Vol pour la lune programmé.
― La lune ? manqua-t-il de s’étrangler.
FIN